Froncement des sourcils, plissement du nez et rehaussement de la lèvre
supérieure autant de symptômes caractérisant le dégoût. Ces signaux
annonciateurs peuvent s’accompagner de phénomènes plus intérieurs ;
nausées, haut le coeur voire vomissement, ils témoignent d’une
manifestation de rejet liée à nos sens mais aussi à notre faculté de juger.
Cette sensation peut submerger notre corps, envahir nos pensées, et
paralyser notre esprit.
Mais, tout comme le goût, le dégoût est une sensation spontanée très
personnelle, elle est intimement liée à notre éducation prenant
en compte de nombreux facteurs comme la culture, la religion ou encore
l’âge. Sa palette est très large ; un haut le coeur pourra tout aussi bien
provenir d’une injustice ou d’un propos xénophobe, que d’une
odeur nauséabonde ou d’une substance en putréfaction. Dès lors, difficile
de faire des généralités sur un sentiment aussi complexe sans risquer
des amalgames discutables.
En matière de dégoût, j’ai donc décidé de resserrer mon étude autour
d’un élément que nous partageons tous ; le corps. L'organisme est
par nature fragile et instable, il est le terrain de nombreuses aversions
résultants de l’activité et du fonctionnement des tissus vivants comme,
la morve, la sueur, les poils, les règles, les excréments, mais également
les matières en décomposition comme la moisissure et la pourriture.
Ces éléments « répugnants », « abjectes » et « immondes » ont fait l’objet
d’une sévère répression depuis quelques siècles afin d’en dissimuler
les traces et d’en diminuer les effets.
Dans une société contemporaine où domine l’hygiène et le fantasme
de la pureté ; on se demandera si le « dégoûtant » ne peut être
dans une certaine mesure réhabilité, pour la force transgressive qu’il
porte en lui, et si le communiquant peut s’en saisir pour (ré)activer
les messages qu’il élabore ?
Pour répondre à cette question nous tenterons, dans une première partie
de comprendre les limites et les frontières de cette sensation complexe et ambiguë traversée par le corps au quotidien.
Nous nous interrogerons sur les comportements que nous adoptons face à ces types
de nuisances. Nous verrons dans une seconde partie la phénoménologie
de l'abjection organique. A la suite de cette prospection au coeur
du dégoût organique, nous verrons comment le graphisme
se saisit parfois de cette notion délicate dans le sillage de nombreux
artistes modernes et contemporains.